THOMAS DRIMM, L’INTÉGRALE (2016)

Le Livre de Poche (incluant LE TEMPS S’ARRÊTE À MIDI CINQ, tome 3)

Thomas Drimm vit aux Etats-Uniques, une société « idéale » gouvernée par le diététiquement correct, le bonheur obligatoire et la religion du jeu. Ado malchanceux promis à un avenir nul, son destin bascule le jour où il tue accidentellement, d’un coup de cerf volant, le professeur Pictone. Ce vieux scientifique rebelle, caractériel et parano, se réincarne alors dans un ours en peluche, pour obliger Thomas à poursuivre son action : renverser la dictature et libérer les humains de la puce cérébrale qui contrôle leurs pensées.

Tour à tour super-héros clandestin, ennemi public numéro 1, amoureux malgré lui de filles impossibles, explorateur des univers parallèles et leader de la Révolution des jeunes, Thomas finira par découvrir sa véritable identité et triompher des forces diaboliques qui le manipulent. Mais à quel prix ?

Les plus
:

Depuis la crise du coronavirus, les réseaux sociaux se sont jetés sur Thomas Drimm, beaucoup de nouveaux lecteurs croyant que la série (publiée entre 2009 et 2016) était inspirée de la pandémie en cours et des mesures liberticides qu’elle déclenchait… Comme dans l’extrait qui suit (début du tome 2, écrit en 2009) :

Cauwelaert prouve avec cette série qu’on peut divertir sans rien céder à l’exigence de sens. Trop bien !
L’Express
François Busnel
Une saga aussi ludique que Harry Potter, l’humour et l’esprit critique en plus.
Le Point
Julie Malaure
Thomas Drimm réagit aux dérives de nos sociétés. Un vrai pacte de conscience avec les lecteurs.
Elle
Sandrine Mariette
Cette série bourrée d’action, d’une grande qualité littéraire, propose une nouvelle voie à la littérature jeunesse.
20 Minutes
Karine Papillaud
Drôle, plein de rebondissement, de suspense et de personnages incroyables…
Cosmopolitan
Brigitte Kernel
L'extrait
:

-A présent, nous dit le prof d’instruction civique, vous ne risquez plus rien.

J’ajuste l’élastique au-dessus de mes oreilles, et je me retourne. La salle de cours ressemble à une école de hold-up, où nous serions en stage intensif d’apprentis braqueurs. M. Katz ôte le masque du visage de Jennifer, lui fait constater qu’il est à l’envers, le lui met dans le bon sens et enchaîne :

-Surtout, n’oubliez pas de changer tous les matins le filtre antipollen entre les deux couches de biopolyamide, sinon la protection est inefficace. Et de toute manière, vous ne devez pas dépasser le seuil d’exposition d’une heure par jour à l’extérieur. Les activités sportives et les récréations dans la cour sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. C’est clair ?

Tout le monde dit oui, mais ça ne s’entend pas à cause du masque. L’avantage, c’est qu’on aura moins besoin de réviser : les contrôles surprises à l’oral, c’est fini.

-Bien entendu, tout cela est une simple alerte, ajoute M. Katz d’un ton aussi faux que son regard en biais. Le danger n’est pour l’instant qu’une hypothèse, connue sous le nom de grippe V. Le virus de la grippe végétale peut très bien ne pas muter, mais nous devons tous nous protéger au nom du Principe de précaution. Qui peut nous rappeler ce qu’est le Principe de précaution ?

Jennifer lève le doigt, soulève un coin de son masque et répond :

-Quand on a peur de se faire tirer dessus, on tire le premier.

La classe rigole. Ça fait pffrrtt à travers le tissu. M. Katz pousse un soupir de retraite anticipée, s’abstient de tout commentaire et nous distribue des kits de vaccination. Ça se présente sous la forme d’un stick marqué Antipoll. Mode d’emploi : on le débouche et on se l’applique à l’intérieur du bras. Il y a une aiguille à tête chercheuse qui repère la veine, pique et désinfecte.

-Vous vous vaccinerez tout à l’heure, à l’interclasse.

Il ajoute d’un ton rassurant qu’ainsi nous pourrons respirer du pollen par inadvertance, si jamais on nous vole notre masque.

-Et vous, monsieur, reprend Jennifer, pourquoi vous n’en portez pas ? Y a un problème avec les masques ? Un effet secondaire ?

Le prof coule un regard hostile vers ma seule copine de classe. Depuis qu’elle a perdu dix kilos en deux jours, grâce à mon action sur ses cellules graisseuses, Jennifer n’est plus la même. Elle est devenue acide et cassante, comme pour faire payer aux autres l’image de boudin qu’ils lui renvoyaient depuis toujours. Ou alors c’est sa nature profonde, qu’elle a découverte en même temps que sa beauté cachée par les kilos. Quand on est moche, on fait semblant d’être gentil pour être aimé tout de même. C’est ce qu’elle m’a dit ce matin, lorsque je lui ai reproché son agressivité. Elle a ajouté : « T’as qu’à les agresser toi aussi. »

Elle pense que je fonctionne comme elle. La semaine dernière, j’étais encore un préobèse qui s’excusait d’exister, c’est vrai. Mais là, je continue à tout faire pour qu’on m’oublie. Pendant qu’elle, s’affichant en minijupe et top moulant, allume les garçons pour mieux les doucher ensuite, je flotte d’un air absent dans mes fringues trop grandes. Il faut dire que j’ai un terrible secret à protéger, sous peine de mort. Jennifer, elle, n’a que du temps perdu à rattraper.

-Vous êtes déjà vacciné, monsieur ? insiste-t-elle.

-Je suis traité directement par ma puce, réplique le prof. La fréquence des molécules de l’Antipoll est envoyée par micro-ondes pulsées aux cerveaux des plus de treize ans. Comme 70% de la population,  j’ai été radiovacciné pendant la nuit.

-Et qu’est-ce qui vous le prouve ? sourit Jennifer, suave. A la fin de l’année vous prenez votre retraite : ça fera faire des économies au gouvernement s’il vous laisse crever de la grippe V.

Un murmure de ricanements chuinte sous les masques. M. Katz se contente de répliquer que le ministère de la Santé ne fait aucune différence entre les citoyens face à la maladie. Le genre d’énormités qu’on a tout intérêt à déclarer quand on a plus de treize ans, vu que la puce cérébrale permet d’être espionné par le gouvernement vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Espionné dans l’intérêt général, naturellement. Ça sera notre cas dans trois mois, à Jennifer et moi. Sauf si la fin du monde arrive d’ici là.

Extrait de Thomas Drimm – La guerre des arbres commence le 13 (Albin Michel et Le Livre de Poche), chapitre 1.